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Révélation à La Colline, sublimation universelle

©Y. Inokuma, M.Hirao

Le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi s’empare avec une grâce infinie de la pièce de Léonora Miano qui conte la blessure du continent africain. Une monstruosité de l’humanité devient sous l’effet de cette rencontre artistique une allégorie sublime et universelle.

Le metteur en scène avait déjà en 2017 bouleversé les spectateurs du festival d’Avignon avec Antigone. En s’attelant à la pièce Révélation qui est le premier volet d’une trilogie de l’auteur camerounaise, il entre en correspondance subtile avec la narration qui emprunte une forme de fiction mythologique. Il y est en effet question de l’esclavage qui s’est étendu sur plus de quatre siècles et de l’enfer de la déportation des populations africaines en Amérique, mais jamais ces mots ne sont prononcés ni même les pays nommés, pas plus qu’aucun comédien n’est africain ou costumé de manière à l’être.  L’action se passe dans un monde imaginaire où se croisent la déesse de tous les êtres de l’univers, les ombres, les âmes à naître, les âmes errantes, le passeur, et autres figures métaphoriques. Portés par la délicatesse scénographique, les spectateurs rentrent aisément dans cet univers dont Inyi est la déesse suprême.  Survient un fait qui jamais ne s’était produit, la grève des âmes à naître ; celles-ci refusent de s’incarner dans des corps tant que les âmes des damnés n’auront pas explicitement rendu des comptes.

© Y.Inokuma, M.Hirao

Les âmes victimes devenues errantes veulent pouvoir trouver le chemin de la paix ; pour cela, elles doivent comprendre pourquoi et comment des frères et des âmes sœurs ont pu les priver de leur humanité, tandis qu’elles effectuaient leur passage en ce monde. Convoquées afin de s’expliquer, les coupables qui ici ne sont jamais étiquetés de la sorte, vont donc aller jusqu’au bout de leur « dire ». Et c’est un dialogue entre morts et vivants qui commence, dans une esthétique épurée ainsi qu’un  grand raffinement gestuel avec des comédiens dont le sens du cérémonial voulu par le metteur en scène atteint une dimension d’élégance hors du temps.

Le public est soulevé, quasiment enchanté par cette lente énonciation des motivations des actes commis. Alors que le sujet de la pièce traite d’une abomination, ce fin décalage permet d’entendre non pas des notions de culpabilité ou d’accusation, mais les nécessités de regarder en face l’histoire, le passé, et de patiemment peser les témoignages dans un moment charnière entre jour et nuit, symbolisé sur le plateau par deux sphères, tandis qu’en fond de scène des mannequins désarticulés indiquent qu’il ne s’agit pas d’effacer ni d’oublier.

Loin d’une noirceur pesante, les couleurs du maquillage et des costumes, le phrasé des comédiens, les déplacements parfois aériens, tout concourt à nous hisser dans un espace où le destin, même sous son aspect le plus tragique, s’offre à une interprétation. Et parachevant cette magnificence là où on ne l’attend pas, les musiciens positionnés entre une bande blanche et le plateau déroulent une partition musicale de grande beauté, où les battements souterrains des âmes autant que les allègements célestes résonnent au rythme des admirables et puissants tambours, clochettes et xylophones.

Emilie Darlier-Bournat

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